Bienheureuse Marie-Catherine de Saint-Augustin
Née Catherine Simon de Longpré

CATHERINE DE SAINT-AUGUSTIN

3. Epistre

À madame
la dvchesse
d'aiguillon

adame,


La maison des Religieuses Hospitalieres de Quebec où la Mere Catherine de saint Augustin a passé la plus grande partie de sa Vie, vous ayant des obligations aussi essentielles qu'elles vous a; il étoit tout ensemble & de son devoir, & de sa reconnoissance, de vous offrir en cét Ouvrage ce qu'elle a de plus precieux devant Dieu. Ainsi, MADAME, ne soyez pas surprise que je vous fasse ce present de la part de ces bonnes Religieuses: puisque c'est une chose qui vous est deuë: & j'ose bien méme mepromettre que vous y trouverez de quoy y benir Dieu de ce qu'il vous a inspiré de fonder une Maison, laquelle outre les grands biens qu'elle fait à tout un monde Barbare par les soins qu'on y prend des malades, a donné tout recemment au Ciel une ame aussi pure, aussi sainte & aussi élevée qu'on en ait veu dans ces derniers siecles. Il est hors de doute que le zele pour le salut des ames ayant été comme le caractere de sa vertu sur la terre, elle ne manquera pas dans le Ciel de s'employer fortement pour la perfection d'une personne qui luy a fourny par ses liberalitez de quoy soutenir cette vie mortelle: & ce qui la comble de joye dans la poursuite de ce grand dessein, est que vous y travaillez avec une application & une fidelite qui luy donnent tout sujet d'en attendre un succez tel qu'elle le desire. On sçait assez, MADAME, que vôtre charité ne se répand pas seulement dans toute l'étenduë de ce Royaume, dont il n'est point de Province qui n'en ait éprouvé des effets tout extraordinaires; mais qu'elle penetre encore jusqu'aux païs les plus éloignez des Infideles, où vous assistez ceux qui vont y porter la lumiere de l'Evangile: & j'ose bien dire que cete grandeur d'ame & de zele à établir & à soustraire les interests de Dieu & de la Religion jusque dans le Nouveau-Monde, est une vertu que le grand Cardinal de RICHELIEV vôtre Oncle vous a laissé comme par heritage, & dont il donne des marques si éclatantes, lors qu'en formant la Compagnie des Seigneurs de la Nouvelle-France, il ne se contenta pas de donner entrée aux Prédicateurs de la Foy dans un païs où elle n'avoit jamais été annoncée; mais ilvoulut encore y contribuer par ses liberalites & par un fond considerable à l'établissement d'une Mission parmi ces peuples Barbares, qui fut une des plus florissantes de toute cette nouvelle Eglise. Au reste, l'Ouvrage que je vous presente, a quelque chose de si extraordinaire, & de si peu connu des gens du monde, qui ne sont pas élcairez sur les conduites adminirables que Dieu tient à l'égard de quelques ames choisies, que j'estiime qu'il luy sera fort avantageurx de porter en teste vôtre nom, pour trouver plus d'accez & de créance dans les esprits par la reputation de vôtre vertur. Apres tout j'aurais eu assez de peine à me resoudre de donner un jour une Vie si pleine de merveilles, si Monseigneur l'Evéque de Petrée, que toute la France connît comme un Prelat d'une éminente vertu, d'une piété soide, & d'un zele tout Apostolique, ne m'euût donné ordre de faire, & d'y travailler sur les memoires qu'il a luy-méme examinez, approvouvez & signez de sa main. Ainsi j'ay crû quapres les témoignages autentiques, & les marques d'une veneration toute extraordinaire qu'un Evéque aussi sage & aussi éclairé comme il est, a donńe si souvent à la vertur de cette bonne Religieuse, sur la parfaite connoissance qu'il avoit de tout c eque Dieu operoit en elle, & de tout ce qu'elle faisoit pour Dieu: j'ay creu, dis-je, que je ne pouvois refuser à l'édification du public & à la consolation des bonnes ames, l'exemple d'une vie & d'une mort aussi pure & aussi aussi precieuse devant Dieu, qu'est celle-cy: dont j'ay été témoin à grande consolation l'espace de dix-huit ans, que Dieu m'a fait la grace de recevoir les communications qu'elle me donnoit par elle-méme de tout ce qui se passoit dans le plus secret de son ame, dont je benissois Dieu qui vraïment est admirable dans ses Saints. I'ose bien me promettre que la lecture que vous en ferez, ne vous sera ny desagréable, ny inutile; & que vous y trouverez également de quoy admirer les communications ineffables d'un Dieu à l'égard d'une ame fidele, & imiter les vertus qui l'ont renduë agreable à ses yeux. Permettez-moy de vous prier en méme-temps de recevoir les present que je vous en fais, comme une marque du respect avec lequel je suis,
MADAME.

Votre tres-humble & tres-obeïssant serviteur
en N.S. Paul Ragueneau de
la Compagnie de Jésus.