CATHERINE DE SAINT-AUGUSTIN |
III-2. Onction sacrée par JESUS-CHRIST
CHAPITRE II La veille de l'Assomption 1659. étant au Choeur pour entendre la sainte Messe & y Communier, & m'étant depuis huit jours disposée à recevoir le Sacrement de Confirmation: Apres la Communion, j'en ressentis les effets par la force qui me fut communiquée, pour desormais resister aux tentations, & acquiescer en tout avec amour aux volontez de Dieu sur moy. Je sentois Nôtre Seigneur si intimément present, qu'il m'étoit impossible de douter qu'il n'y fût d'une maniere extraordinaire. La chose se passa à peu pres de la sorte, quoy qu'il me soit impossible de l'expliquer come je l'ay connu & ressenty. M'offrant à Nôtre Seigneur, & le suppliant de me donner les veritables dispositions pour le Sacrement de Confirmation, atribuant à mon peu de disposition & à mon indignité, le retardement de Monseigneur nôtre Evéque, qui nous avoit promis de venir chez nous ce jour-là pour y donner la Confirmatino; tout d'un coup il me sembla que Nôtre Seigneur, sa sainte Mere, saint Joseph, saint Pierre, saint Jean l'Evangeliste, sainte Catherine, & plusieurs autres Saints & Saintes dont je ne sçavois pas les noms, étoient proches de moy; & que la sainte Vierge & saint Joseph me presenterent à Nôtre Seigneur, pour recevoir une Onction sacrée de sa main. Ce qu'il accepta avec beaucoup de bonté; & saint Pierre recevant de saint Jean un baume d'une odeur excellente, bien qu'extremement forte, sur une espece de patene qui avoit quelque chose du vermeil doré, mais un peu plus rouge; il le presenta à Nôtre Seigneur, lequel de sa sacrée main m'en oignît le font; & saint Paul avec une petite boule de cotton me l'essuya, en disant « La grace de JESUS-CHRIST aura son effet en toy: » & la sainte Vierte et saint Ioseph dirent « & nôtre protection ne luy manquera jamais. » Et derechef me presentant à Nôtre Seigneur, ils luy dirent : « Celle-cy qui est vôtre Epouse, étant ainsi ointe par vous de vôtre grace, ne l'aggreés-vous pas? » Au méme moment cét aimable Sauveur sembla incliner la tête; & me fit baiser sa main droite, par l'endroit de la sacrée playe qui y paroissoit. Apres quoy diverses choses se passerent qu'il m'est impossible de dire n'y d'exprimer. Je restay longtemps dans ces sentimens, qui ne pouvoient, ce me semble, étre produits que de Dieu seul, & operez par sa seule grace. La Fête de saint Barthelemy ensuite, qui fut le jour auquel Monseigneur de Petrée me confera le Sacrement de Confirmation, ces choses me furent renouvellées encore plus fortement. Depuis ce temps, quoy que la tentation, les secheresses, les dégoûts, & toutes mes miseres ordinaires continuent, & méme s'augmentent souvent, je sens toutefois que mon coeur veut cét état, & qu'il agrée, & ne voudroit pour rien du monde en sortir. Pourveu que Dieu en tire sa gloire & soit content, ce m'est assez, & deusse-je étre toute ma vie dans ces tourments, je le veux; & en cét état j'aimeray Dieu, & y feray sa tres-sainte volonté malgré tout l'enfer. Il est à observer que quelques Saints ont reçu de semblables faveurs. Sainte Liduvine reçut l'Extreme-onction de la main méme de JESUS-CHRIST, le jour de Pâques; la sainte Vierge, les ApÔtres et quantité d'Anges & de Bienheureux y étant venus de compagnie, & y ayant apporté les Saintes-Huiles, une croix admirable & un saint Cierge qui remplissoit toute la chambre d'une lumiere du Paradis; JESUS-CHRIST revêtu d'habits Sacerdotaux, luy ayant oint de cette Huile toutes les parties du corps qu'on a coûtume d'oindre aux malades, luy mit la chandele benîte en la main, luy presenta sa croix, & luy donna parole que dans deux jours elle chanteroit dans le Paradis un celeste « Alleluya », en la compagnie des saintes Vierges; ce qui arriva le Mardy suivant. Le Pere Jean Montanus Compagnon de saint Dominique, rapporte d'une Dame Espagnole de qualité, qu'ayant été enlevée & emmenée captive par les Infideles, où elle fut contrainte de faire toutes les fonctions d'une servante, quoy qu'elle fût enceinte; son unique consolation étant en la tres-sainte Vierge, cette Mere de Misericorde vint l'assister dans une étable où elle se déchargea de son fruit, que JESUS-CHRIST luy étant aussi apparu, baptisa de ses divines maines, & que peu de jours par apres il transporta miraculeusement & la mere & l'enfant proche du Château qui étoit leur demeure; le Seigneur du Château ne pouvant assez benir les bontez de la sainte Vierge, qui luy rendoit en un moment, & sa femme & son fils, & toute la joye de son coeur.
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