CATHERINE DE SAINT-AUGUSTIN |
III-9. Jamais désagréable à Dieu
CHAPITRE IX Le 9. Avril à une heure apres midy, étant allée devant le saint Sacrement pour l'adorer, ayant le coeur serré & accablé de tristesse pour ce qui s'étoit passé le jour & la nuit precendente, je me plaignis de moy-méme d'avoir si peu de force à resister au démon, & me sembloit que je luy obeïssois en tout. Comme je representois à Nôtre Seigneur ma foiblesse & ma peine, il me semba que le Pere de Brebeuf vint proche de moy, pour me consoler & encourager; quoy que je ne visse rien, j'étois toutefois asseurée que c'étoit ce bon Pere, & qu'il me donnoit une liberté entiere de luy découvrir mon coeur, & de luy parler en la méme maniere qu'il me parloit. Comme je concevois la promesse qu'il me faisoit, non seulement qu'en ce qui m'arrivoit, il n'y avoit point de peché, & que le diable n'en tiroit point d'avantage, j'eus peur que ce ne fût une illusion, & que le démon sous l'apparence du Pere de Brebeuf, ne voulût me donner une asseurance presemptueuse & fausse. Ie dressay ma pensée au Ciel, au veritable Pere de Brebeuf, & luy demanday que si cela n'étoit pas contraire à la gloire de Dieu, il permît que pur ma plus grande humiliation je continuasse autant qu'il voudroit dans l'état & les sentimens où j'étois souvent, supposé que Dieu n'y fût pas offencé; parce que je voyois que rien n'étoit plus capable de me confondre moy-méme. Cela aggréa fort au Pere, & il m'asseura que je ne devois rien craindre, & qu'il auroit soin de moy, & que le diable ne me feroit rien faire, ny dire, ny penser, qui pût me rendre desagreable à Dieu. Comme j'apportois grande créance à ses promesses, je luy demanday instamment qu'il eût soin de ce païs. Il me repeta plusieurs fois qu'il prendroit soin des affaires du païs. |