Bienheureuse Marie-Catherine de Saint-Augustin
Née Catherine Simon de Longpré

CATHERINE DE SAINT-AUGUSTIN

IV-3. Un froid la glace

CHAPITRE III
Elle souffre un froid insurmontable pour une faute d'autruy, & les Saints du Paradis l'encouragent à s'intéresser pour les Pecheurs

Depuis le 17. Avril jusques au 22. je ressentis aux pieds, dit-elle, un froid si importun & si impatient, que je ne pouvois presque le supporter. Je fis tous mes efforts pour y apporter du remede, mais cela ne me reussissoit nullement; car le feu ne servait qu'à augmenter le froid. Comme j'étois auprés du feu & que je pensois en moy-méme de quellee nature étoit ce froid qui se montroit si obstiné: tout en méme temps je sentis aurpés de moy le Pere de Brebeuf, qui me sembloit s'étonner de l'empressement que j'avois à rechercher mon soulagement. Il me dit que ce froid ne pouvoit étre diminué par tous les soins & les remedes que j'y apportois, qu'il faloit me resoudre de l'endurer; mais que je l'offrisse pour celles que je connoîtrois bientôt en avoir besoin. Le méme jour j'entendis par trois diverses fois, des entretiens qui étoient entierement opposez à l'esprit de charité: On me dit que c'étoit pour ces personnes là que je devois offrir ce froid: ce que je fis; mais l'impatience que souvent je ressentois étoit si grande, que je me repentois quasi d'avoir acquiescé à la volonté du Pere, & mon coeur étoit comme en murmurant contre luy.

Le 12. Juin au commencement d'une Messe des Anges, que l'on disoit pour les necessitez du païs, je sentis, dit-elle, le R.P. de Brebeuf present, lequel prenoit plaisir de voir que l'on s'interessoit pour une chose qu'il avoit si fort à coeur. Je ressentois (ce me semble) sa satisfaction, & il me poussoit fortement à m'unir à ce dessein, voulant que je n'y épargnasse rien de mon côté. La Messe étant un peu avancée environ à l'Offertoire; il me sembla aussi ressentir la personne de saint Ignace, lequel regardant avec plaisir le Pere de Brebeuf, & comme se complaisant dans la gloire & dans le pouvoir qu'il possedoit, cette gloire & ce pouvoir rejaillissoient sur luy continuellement, & sembloient accroître sa gloire & son contentement: En sorte que la gloire du Pere de Brebeuf étoit celle de saint Ignace, & sembloit luy servir de couronne. En effet, le Pere de Brebeuf luy renvoyoit tout l'honneur & le service qu'on luy rendoit; mais plus il rejettoit sur saint Ignace toute la gloire, plus la sienne me sembloit grande, & son pouvoir s'accroître. Comme mon esprit étoit à les considerer, & à me rejoüir de leur gloire & de leur pouvoir, je sentis la presence d'un troisiéme qui me sembla étre saint Joseph; mais d'abord je le vis tout environné d'objets affligeans, causez par les pechez & par les desordres d'un païs, dont il étoit Protecteur. Connoissant que cela étoit le sujet de son apparente tristesse, je pris la liberté de luy dire qu'il devoit se consoler, puisque ces deux bons serviteurs de Dieu qui étoient là, prendroient volontiers le soin de remedier à ces desordres. Il accepta l'offre qu'ils luy en firent eux-mémes, & changea sa tristesse en joye, témoignant que cela luy étoit extrémement agreable, & que ceux qui contribueroient, luy rendroient un bon service. Je ne pûs m'empécher de leur témoigner à tous trois ma bonne volonté, & je m'imaginay qu'ils l'acceptoient. Apres la Messe cela cessa, mais non pas leur souvenir.