Bienheureuse Marie-Catherine de Saint-Augustin
Née Catherine Simon de Longpré

CATHERINE DE SAINT-AUGUSTIN

V-3. Des délivrances

CHAPITRE III
Elle procure la délivrance de trois Ames, dont l'une étoit celle d'une personne débauchée qui étoit morte abandonnée de tout secours spirituel, & sans aucune Sacrement, & jettée dans la voierie.

C'est une suite de ce qui a été rapporté au Chapitre precedent.

Le 4. Juillet ( dit-elle ) je me sentis fortement poussée de prier la sainte Vierge, d'étendre son pouvoir à plus d'une ame, & puisque celle pour elle vouloit que je priasse, avoit si peu à payer; qu'elle joignît deux autres à son choix. Au commencement de la Messe & de la Communion, je reïteray la méme demande; aprés la Messe je crû voir devant moy trois personnes, dont les seuls visages me paroissoient assez distinctement; le reste de leurs corps estant comme enveloppé de nüages.

Je reconnus un de ces visages, pour un de mes oncles, lequel etoit mort depuis vingt-deux ans: Je fus saisie d'étonnement, veu qu'on avoit fait pour luy quantité de prieres. Il étoit mort subitement, sans avoir receu ses Sacrements; & au retour de l'armée. Il me dit que c'étoit luy, & que je de devois pas m'en étonner, si nonobstant tant de Messes, il n'étoit pas délivré; que cela luy avoit abregé beaucuop de temps de son Purgatoire, & diminüé ses peines; mais qu'un certain nombre e Messes que sa mere avoit offertes à la sainte Vierge puoy luy, n'ayans pas été dites, la mort de sa mere étant en suite survenüe, avant que cela fût executé, & ses freres ne sçachant pas quelle avoit été l'intention de leur mere, il étoit resté au Purgatoire jusques à ce jour, que la sainte Vierge avoit eu pitié de luy. Il me promit qu'il ne seroit pas méconnoissant de la charité que je luy aurois rendüe: Je souhaitois beaucoup sçavoir s'il y avoit encore de mes parens au Purgatoire; mais je ne voulus point parler. Il répondit à ma pensée, qu'il y en avoit à qui je devois beaucoup; & que je priasse ains pour deux, qui étoient vivans quant au corps, mais qui étoient morts quant à l'ame. Aprés qu'il m'eut dit cela, je ne le vis plus.

Le second me dit qu'il étoit un soldat tué en l'armée, & qu'on n'avoit jamais prié Dieu pour luy; que la saint Vierge luy avoit obtenu misericorde en mourant, & le delivroit maintenant du Purgatoire, en consideration de quelque petit service qu'il avoit rendu à des Religieuses, étant à la prise d'une ville. Il y avoit 21. an qu'il étoit au Purgatoire.

La troisiéme étoit une fille morte depuis douze ans, laquelle pendant sa vie s'étoit abandonnée à toutes sortes de vices, sur tout d'impureté; elle étoit morte en cét éta mal-heureux, sans aucune assistance, & sans Sacrement. Son corps méme avoit été jetté à la voirie, & avoit servy d'horreur à ceux de sa connoissance, sans que pas un eût prié Dieu pour elle, tout le monde la jugeant étre reprouvée. En effet, jamais elle n'eût eu pardon de ses crimes, qui étoient énormes, en grand nombre & griéveté, sans un secours extraordinaire de la sainte Vierge. Plus de vingt ans auant sa mort elle n'avoit eu recours aucun ni à Deu, ni à la Sainte Vierge, ny aux Saints. Elle avoit quité les Sacremens, & toute entier dans le vice; mais ce qui la sauva, fut qu'étant proche de la mort, elle fit reflexion au nom de Marie qu'elle portaoit, & s'adressant à la Mere de Dieu, elle luy dit. « Helas! sainte Vierge Marie, je suis indigue de porter vôtre nom; mais je vous prie ne souffrir pas que je sois damnée. Je vous en prie pour la considération de ce nom. » En suite de quoy elle luy obtient la grace de faire un acte de Contrition, aprés lequelle elle mourut. Et comme elle n'avoit été secourë de pesrsonne, les douze ans qu'il y avoit qu'elle étoit en Purgatoire, luy avoient paru être comme des millions d'années, parce que ses peines alloient jusqu'à l'excez. Elle m'ajoûta que depuis peu de jours elles avoient cessé; mais que Dieu l'avoit condamnée de rester là, jsuqu'à ce que quelqu'un eût prié Dieu pour elle, demandé misericorde; qu'elle étoit maintenant délivrée, & qu'elle alloit joüir des misericordes de Dieu à toute eternité; je la priay que lors que'lle seroit au Ciel, elle remerciât pour moy la sainte Trinité, & la sainte Vierge, & m'offrît à eux pour tout ce qu'elles voudroient; qu'elle se souvint de moy, qui étoit pecheresse comme elle avoit été; Elle me dit : Je m'en souviendray, et s'en alla: Elle me disoit, adieu, adieu ma Mere; ajoûtant ces paroles de saint Paul. O altitudo divitiarum, sapientiae & scientiae Di quà m incomprehensibilia sunt judicia eius, & investigabiles viae ejus!