Bienheureuse Marie-Catherine de Saint-Augustin
Née Catherine Simon de Longpré

CATHERINE DE SAINT-AUGUSTIN

V-4. La reine des Polonais

CHAPITRE IV
Elle voit la Reine de Pologne portée en Paradis par S. François de Sales.

Le 30. Octobre 1667. étant à Matines le soir, environ les sept heures & demie; & ne songeant pas actuellement qu'à me bien acquitter de l'Office, je fus transportée en esprit jusques à l'entrée du Paradis; où étant arrivée, je vis que saint François de Sales y faisoit entrer avec luy une ame qu'il venoit de tirer du Purgatoire. J'avois proche de moy le Pere de Brebeuf, qui m'avoit introduite en ce lieu. Je luy demandai qui étoit cette ame, dont saint François de Sales avoit pris un si grand soin: il me répondit que c'étoit la Reine de Pologne. J'eus aussi envie de sçavoir s'il n'avoit pas pris soin de sa Filieulle. Ie voulois parler de la soeur aînée de Monsieur de Lauzon de Charny, qui étoit morte à Paris le 28. Juin de la méme année 1667. Religieuse de la Conception, rue Saint Honoré, qu'on appelloit la Mere Marie des Seraphins. Cette bonne Religieuse m'avoit été recommandée tres-particulierement, & elle étoit filieulle de saint François de Sales. Le Pere de Brebeuf me répondit, que saint François de Sales avoit eu soin d'elle; & me faisant regarder en haut, je la vis placée beaucoup au dessus de la Reine de Pologne, & couronnée d'une gloire infiniement plus éclatante. Le Pere me fit entendre qu'il avoit long-temps qu'elle étoit au Ciel: & je connus clairement que son humilité luy avoit acquis une gloire tres-speciale. Ie la regardois avec une grande tendresse, & je luy dis diverses choses, luy adressant seulement ma pensée; à quoy elle me répondit. Tout cecy dura tres-peu de temps; mais il a fait une forte impression sur mon esprit, & m'a puissamment aidé à surmonter l'impression de la peine que je porte contre ma vocation. Je luy demanday, ce qui l'avoit renduë plus agreable à Dieu durant sa vie: Elle me dit que c'étoit le soin qu'elle avoit pris de s'humilier en toutes choses, & de se mettre peu en peine de l'estime des creatures. Elle me dit des merveilles de l'excellence de la Vie Religieuse, où l'obeïssance consacre & releve infiniment les plus petites actions de vertu.

Je la priay de nous envoyer son bon frere, nôtre digne Superieur qui étoit allé en France; elle me le promît, & ajoûta, qu'elle se souviendroit de moy. Je sentis pour lors beaucoup de consolation & de liaison avec elle.

La Reine de Pologne étoit décédée le 10. May de la méme année 1667.