CATHERINE DE SAINT-AUGUSTIN |
V-7. Attirer les bénédictions
CHAPITRE VII La vocation Religieuse est vn grand don de Dieu; mais les demons sont souvent déchainez contre les ames les plus innocentes, qui s'y veulent consacrer à Dieu; & le Sage a sujet d'avertir ceux qui tout de bon veulent se ranger à son service; de se preparrer à soûtenir de fortes tentations. Mais l'Apôtre saint Jacques a des paroles pleines d'une grande consolation sur ce sujet, lors qu'il dit que celuy-là est bien-heureux, qui souffre ces fortes tentations, parce qu'aprés qu'il aura été éprouvé, il recevra la couronne eternelle, que Dieu a promise pour recompense à ceux qui auront l'amour pour luy. C'est ce qu'a éprouvé heureusement une bonne fille, qui avoit un coeur aussi genereux qu'il étoit innocent, & qui sse jetta dans le Couvent des Religieuses Hospitalieres de Quebec, pour y porter le joug de JESUS-CHRIST dés ses premieres années. Autant qu'elle avoit été dans l'inexperience des tentations avant qu'elle se fût consacrée à Dieu, pour étre épouse de JESUS-CHRIST: autant elle s'en vit attaquée, luy donnant & son coeur & sa vitalité, & voulant luy donner tous les jours & tous les momens de sa vie. Nôtre Catherine de Saint Augustin qui avoit le soin de ces jeunes ames, les recommandoit fortement à Dieu, & combattoit pour elles, par des mortifications continuelles, interessant tout ce qu'elle avoit d'amis dans le Ciel, pour en tirer du secours. Mais elle avoit vn soin & une charité particuliere pour celle, dont je prentends parler maintenant; nôtre-Seigneur & la sainte Vierge luy ayant fait connoître que le Ciel avoit quelques desseins sur cette petite ame. Voicy ce qu'elle en écrivit: Un soir aprés Matines, je me sentis poussée de la parte du Pere de Brebeuf de faire une neufvaine pour nôtre petite Soeur; & ce bon Pere me fit entendre qu'elle avoit besoin d'étre secouruë. Je la fus voir ce méme jour, & luy parlay assez long-temps; elle avoit le coeur accablé de tristesse, & ne sçavoit presque à quoy se resoudre. Je luy conseillay de s'adresser au Pere de Brebeuf, & luy proposay de s'adresser au Pere de Brebeuf, & luy proposay (sans luy rien découvrir de ce qui m'étoit arrivé) qu'elle fist une neufvaine; & que je me mettrois de la partie. Elle en fut bien aise. Durant le temps de la neufvaine, comme elle venoit de se coucher, elle entendit entrer quelqu'un dans sa chambre. Elle crût d'abord que c'étoit moy. On s'assit sur son lit, & on luy demanda: « Hé bien, étes-vous encore tentée? » Elle entendit que cette voix differoit de la mienne: Cela l'étonna un peu; mais neanmoins pensant que ce fût moy, elle répondit, qu'il étoit vray qu'elle l'étoit encore. Alors on adjoûta seulement; Quoy, vous étes donc encore tentée? Puis cette ombre s'étant tenuë sur son lit un peu de temps, elle disparut. Aprés quoy la fille eut une grande frayeur, faisant réflexion, que ce n'étoit ny ma voix, ny la façon dont je luy parlois d'ordinaire. Elle sentit son esprit for troublé. Le lendemain elle me demanda, si j'avaois été la voir le soir precedent: Mais comme je me doutay bien de ce que c'étoit, je luy fis croire qu'elle avoit révé, afin de luy oster la peur. À la fin de la neufvaine, le Pere de Brebeuf m'asseura qu'elle persevereroit dans le bien & dans la Religion; & que les fondemens sur lesquels cette fille bâtissoit l'edifice de sa perfection étoient tres-saints. J'avois veu, il y avoit quelques jours, passant proche d'elle, un demon en figure d'un petit Maure, qui souffla sur elle: Mais il se retira plûtost. A quelque temps de là étant à la Messe, je vis sur elle, aux endroits où elle avoit des rubans, (car elle étoit encore en habit seculier) des chenillent qui taschoient d'y faire entrer leurs tests, & parfois y entroient assez avant: Je connus qu'elle prenoit trop de plaisir à ces ajustemens, & donnoit prise au demon par ces vaines parures; par fois ces chenilles se secoüoient; & on me faisoit connoître que c'étoit qu'elle faisoit reflexion avec trop d'empressement à l'agrément que ces rubans donnoient à son visage. Mais enfin elle a vaincu, & la peine qu'elle avoit à s'en abstenir, & le danger qu'il y avoit de s'y attacher. Son novitiat éant heureusement achevé, lorsque la Messe se commença pour la ceremonie de sa Profession, je vis proche d'elle le Pere de Brebeuf, nôtre tres-chere Soeur defunte Françoise de Saint Ignace sa tante, & sa mere defunte aussi, qui étoient venuës du Ciel pour y assister. Il me sembla que cette heureuse tante disoit au Pere de Brebeuf. « Enfin voila, Mon Pere! que nous avons gagné cette ame : ils se réjouissoient d'avoir fait cette ququeste pour Nôtre-Seigneur. La Mere rendoit de tres-humbles remerciemens au Pere de Brebeuf, des assistances qu'il avoit données à sa fille, au bonheur de laquelle elle prenoit une grande part; toutefois la joye de la Mere ne me sembloit pas à comparer à celle que sa tante en témoignoit; Elle paroissoit toute transportée de joye, & s'apporchant de moy, elle me redisoit souvent « Elle est à nous, c'en est fait, nous l'avons. » Elle triomphoit comme si elle eût remporté une grande victoire. Ils témoignoient le Pere de Brebeuf & elle, une mutuelle joye: J'y prenois beaucoup de part; quoy que prendant ce temps mes hostes enrageant de voir ce qui se passoit, me fissent souffrir de la peine au delà de tout ce que je sçaurois exrpimer. J'eus la décharge de leur rage & de leur colere.; Dieu ne leur ayant pas permis d'agir sur celle qui en étoit le sujet. Avant que de parler de sa vie mourante, & de sa vie de glorie, j'ay jugé qu'il étoit à propos d'ajoûter icy les deux Chapitres qui suivent, qui feront connoître la pureté de son coeur & comment elle ne cherchoit que Dieu uniquement.
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