CATHERINE DE SAINT-AUGUSTIN |
VI-1. Guérie souvent
CHAPITRE PREMIER e ne repeteray point ce que nous avons déja raporté sur son sujet, dans les cinq Livres precedentes, sur-tout dans le Chapitre 7. du livre premier, comme la sainte Viege luy apparut, & la guerit miraculeusement d'une maladie mortelle, en 1648. lorsqu'elle étoit sur mer passant de France en Canada. Étant tombée malade dangereusement l'année 1663. dans le mois de Decembre, dit-elle, le Pere de Brebeuf me fit entendre qu'il étoit necessaire d'aller avec courage jusqu'au bout, & que je n'y étois pas encore, on me donna méme un surcroît de novueaux hôtes. Ce bon Pere me fit traiter pendant ma maladie avec une rigueur nompareille pour le corps & l'esprit, & me procura souvent des creatures de quoy éprouver ma patience. Le Ciel sembloit de bronze pour moy, & toute cette dureté me venoit par l'ordre du Pere, lequel malgré moy me faisoit exercer en diverses rencontres, des actes opposez à l'impression que me donnoient les demons. IL m'a semblé que le Pere de Brebeur m'avoit apporté & fait prendre deux prises de pillules, qui eurent su moy le méme effet qu'avoit eu du vin Emetique, & qui emporterernt dans leur operation toute la cause de mon mal. Pendant ce temps-là, comme le Medecin témoignoit avoir mauvaise opinion de mon mal, le méme Pere me fit connoître que je ne mourrois pas de cette maladie, & que j'en aurois une autre, pendant laquelle je recevrois mes derniers Sacremens. L'année 1663, ayant un grand mal de gorge, la nuit du sixiéme Janvier, je songeay que la sainte Vierge m'étoit venuë guerir de la maladie qui m'accabloit depuis huit jours; il me sembla qu'elle toucha le mal avec sa main, & puis me dit « Eveille-toy, & sors promptement d'icy. » Je m'éveillay & à mon réveil, je me trouvay parfaitement guerie: Je m'en allay devant le saint Sacrement un espace de temps, & le reste de la nuit je l'employay à salüer la sainte Vierge. comme je sortois de la chambre, je vis une trouve de demons, qui eussent bien voulu m'empécher de sortir; mais ils n'en avoient pas le pouvoir. Le soir trois de ces mauvais hôtes me donnerent un bon nombre de coups, & me dirent que ma gorge n'étoit pas si bien guerie que me le persuadois. Je n'y ay toutefois ressenty aucun mal depuis ce temps-là. L'année 1666. le second jour d'Août, étant grièvement malade & en danger de mort; le soir environ deux ou trois heures apres avoir receu le saint Sacrement, je tombay dans une espece d'assoupissement, quoy qu'il me semble que mon esrpit fût pour lors tres-libre. Je vis pendant cét espace qui dura peu, saint François de Sales, lequel tenoit en sa main une fiole pleine de miel liquide. Il me paroissoit comme élevé en l'air au dessus de moy; le Pere de Brebeur étoit plus proche & à côté de moy; il fit un petit signe au Saint & à plusieurs de mes Saints Patrons qui y étoient aussi; il regardent vers la fiolle, & aussi-tôt le bon Saint la versa toute sur moy; & je fus toute penetrée de cette liqueur, qui étoit si corrosive, que je n'ay jamais ressenti un feu pareil. Dans ce méme moment tous mes hôtes me quitterent, & ne sont revenus que le jour de saint-Augustin. On me dit qu'il faloit encore vivre, & que je n'avois pas encore souffert suffisamment. Celle qui étoit alors infirmiere, la Mere Renée de la Nativité, qui est maintenant Superieure, écrivant en France de cette heureuse malade, en dit beaucoup en peu de mots. « Le méme esprit, dit cette Mere, qui agissoit en elle, quand elle se portoit bien, y operoit aussi fortement dans les temps de sa maladie; je veux dire qu'elle étoit toûjours soûmise à Dieu, & aux volontez des autres; & separée de la sienne, sans aucun retour sur soy-méme, nonobstant la violence et la douleur. » |