CATHERINE DE SAINT-AUGUSTIN |
VI-7. Son entrée en Paradis
CHAPITRE VII Elle est veuë par sa Superieure faisant son entrée en Paradis, & du depuis elle est veuë dans la Gloire par diverses personnes. L'Année 1669. qui fut l'année de cette mort heureuse, les deux derniers Navires qui partirent de Quebec pour la France, ne firent voile que le 11. de Novembre. Le lendemain il pleut à Dieu de donner la consolationà la Reverande Mere Marie de saint Bonaventure de JESUS, Superieure des Hospitalieres de Quebec, qu'elle eût asseurance du bonheur eternel de sa chere fille deffunte: car elle la vit ce jour-là comme faisant son entrée en Paradis. Voicy ce qu'elle écrivit au Pere Châtelain Confesseur de la deffunte, & qui est aussi le sien; dont on ne pût avoir de connoissance en France qu'un an apres, au retour des Vaisseaux en 1669. Le 12. Novembre 1668. étantà Matines, lorsque l'on disoit Benedicite omnia opera Domini Domino, à Laudes, je vis une grande Montagne toute claire comme le cristal, sur laquelle étoient quantité d'Anges & de Saints les uns avec les autres, qui étoient tous rangez en Choeurs des deux côtez, & aboutissoient aux pieds de Nôtre-Dame. Ma veuë ne se pût porter plus avant. Ils tenoient en main chacun une palme & un flambeau qui rendoit une clarté admirable, & dont l'éclat rejaillissoit sur leurs habits blancs: toutes les Religieuses mémes dont j'en vis là un grand nombre, étoient toutes vétuës de blanc, avec des voiles blancs aussi: Au pied de la Montagne au milieu des deux Choeurs, je vis une Religieuse aussi vétuë de blanc; qui étoit à genoux, tenant un Cierge en ses mains, qui me paroissoient jointes & comme en posture d'une personne qui demandoit l'entrée de ce lieu; ou comme si jéja étant entrée dans ce sejour de la gloire, elle y remercioit & y adoroit la divine Majesté, luy faisant hommage de cette gloire dont elle joüissoit. En méme temps deux Anges se separant de chaque côté, entrerent au milieu des deux Choeurs, & dirent : Que chanterons-nous à la reception de cette nouvelle Epouse ? On leur repondit, chantez Alleluya. Et au méme temps ils l'enonnerent sur le chant de l'invitatoire du jour de le Pentecôte; & ces Choeurs ensuite le repeterent : puis les Anges chanterent. Venite & videte, quoniam suavis est Dominus; & en méme temps deux Venerables Personnages vinrent prendre la Religieuse sous les bras pour la mener au Trône de Dieu; & au méme moment le tout me disparut, & j'entendis que c'étoit nôtre chere Soeur de saint Augustin, qui avoit été ainsi receuë au Ciel, & conduite par nôtre Pere saint Augustin & le Reverand Pere de Brebeuf: Il me semble méme avoir reconnu ce dernier. Notez qu'il n'est pas necessaire que son entrée en Paradis ne se soit pas faite avant qu'elle ait été manifestée à la susdite Superieure: De méme que lorsque Dieu a fait voir à quantité de saintes Ames l'Ascension de JESUS-CHRIST au Ciel, ou l'Assomption glorieuse de la tres-sainte Vierge, ce n'est pas que ces Mysteres ne soit pas accomplis longtemps auparavant. Ce qui est asseuré, c'est que cette heureuse Deffunte s'est souvent apparuë depuis sa mort, & plus souvent encore depuis cette vision de son entrée en Paradis; & qu'elle continuë de former quelques ames à la vraye sainteté, les conduisant dans les voyes de Dieu d'une façon admirable, & convenable aux Saints: Mais toutes ces impressions ne portent qu'à une vie crucifiée & à un abandon de tout soy-méme aux volontez de Dieu, dans les humiliations & une vie cachée qui cherche purement Dieu, non pas ses dons ny ses faveurs. Au reste il ne faut pas s'étonner que tous les haibts & les voiles des Religieuses, en cette vision parussent étre blancs comme la neige; car c'est la couleur de la gloire & du Paradis; & ainsi au jour de la Transfiguration de JESUS-CHRIST sur la Montagne, ses habits & ceux d'Elie & de Moïse parurent blancs comme la neige. Depuis ce qui est écrit cy-dessus, une personne de pieté, & favorisée souvent de Dieu de graces extraordinaires étant en Oraison, vit par l'entremise de la sainte Vierge & de son saint Ange, un grand nombre d'ames bienheureuses qui luy étoient toutes inconnuës, mais qui avoient eu beaucoup de raport & une sainte union pendant leur vie, à quelque personne encore vivante, à qui elle avoit grand raport elle méme. Parmy ces saintes Ames, elle en vit une qui avoit une couronne de roses sur sa tête, & en sa main une branche de Laurier, avec une beauté qui ne se peut dire. La personne qui eut cette vision demanda à son Ange, qui étoit cette ame si brillante au dessus des autres : son Ange luy répondit : C'est Catherine l'amante de JESUS-CHRIST, & il y a deux ans qu'elle joüit de son Paradis. Proche de cette heureuse Amante de JESUS-CHRSIT, qu'elle reconnut étre celle dont nous parlons, il y avoit une autre ame bienheureuse d'une gloire tres-éclatante, quoy qu'elle fût beaucoup moindre: & il luy fut dit que c'étoit la Compagne de cette heureuse Catherine, & qu'il y avait 14 ans qu'elle étoit en Paradis. Cette vision arriva le 8. Octobre 1670. Celuy auquel cette vision fut declarée, ne douta point que cette Compagne de Catherine l'Amante de JESUS-CHRIST, ne fût le Mere Francoise de saint Ignace, Religieuse Hospitaliere du méme couvent de Quebec, qui mourut le 15. jour de Mars 1657. qui étoit son intime amie, & qui luy apparut apres sa mort, comme il est raporté au Chapitre 4 du Livre seconde de cette Vie. Le nom de la Compagne de Catherine l'Amante de JESUS-CHRIST n'ayant point été declaré à la personne qui avoit eu cette vision, & qui jamais n'en avoit entendu parler, il luy fut ordonné qu'elle demandât à Nôtre Seigneur de le luy vouloir declarer si cette curiosité n'étoit point déraisonnable, ny contre sa volonté. Elle communia pour cét effet le lendemain qui étoit un Dimanche : Mais rien pour lors ne luy fut declaré. Le Lundy suivant apres sa Communion, comme elle n'y pensoit plus, Catherine l'Amante de JESUS-CHRIST luy apparut pour une seconde fois, & luy dit que le nom de cette sienne Compagne étoit Françoise de S. Ignace, & qu'elle avoit été 4. heures en Purgatoire, & que pour elle, elle y avoit été seulement une heure et demie. Comme le Pere de Brebeuf a été le Directeur celeste de nôtre heureuse Catherine l'Amante de JESUS-CHRIST, ayant eu un raport si intime à elle; En méme temps que la personne qui a eu la vision dont je viens de parler, voyoit d'un côté une gloire si éclatante; Dieu luy fit voir d'un autre côté plusieurs Religieux en gloire, qui étoient pareillement d'une beauté nompareille; mais entr'autres deux, dont l'un étoit dans un Tròne au milieu des Anges qui le couronnoient, & l'autre qui étoit aupres de luy. Ils tenoient tous deux des palmes en l'une de leurs mains, et en l'autre un flambeau éclatant: La personne qui eut cette vision demande ce que signifoit ce flambeau; la sainte Vierge luy dit : Contente-toy de sçavoir que Dieu est admirable en ses Saint; & il luy fut ajoûté que ces deux là étoient le Pere Jean de Brebeuf & le Pere Gabriel l'Alemant : Ce sont eux dont il est parlé au Ch. 7. du Livre 3. de cette Vie, & qui ont fini glorieusement & saintement au martyre des Saints qui ont été les plus celebres dans l'Eglise. On ne peut en dire davantage, Quoniam adhuc visio in dies; le secret est dû aux vivans, oblige de differer ce qui seroit à la gloire des morts. Dieu sçaura se glorifier en son temps, & ses promesses seront accomplies. Mais on ne peut obmettre que nôtre Catherine de S. Augustin, par la permission de Dieu & par les tendresses de Mere qu'a la tres-sainte Vierge pour de certaines ames, leur rend maintenant icy bas en terre les mémes charitez & les mémes secours que luy a rendu autrefois lorsqu'elle étoit vivante parmy nous, son Directeur celeste le Pere Jean de Brebeuf. Une personne que Dieu éprouve depuis longtemps par la voye des souffrances extraordinaires & de corps & d'esprit, qui viennent plûtôt du Cieu que de la terre, & où les Medecins n'ont rien à voir; a une liaison si ordinaire & si intime avec cette ame bienheureuse, qu'il ne se peut rien dire de plus surnaturel, ny de plus aimable, des secours que les Bienheureux de l'Eglise triomphante rendent aux ames fideles qui sont dans les souffrances de l'Eglise militante. Cette personne se trouvant dans des excez de douleurs, que l'on peut dire insuportables à la nature, & dans des abandonnemns inconcevables de tous les secours sensibles de la grace, qui mettent les ames ainsi éprouvées de Dieu, quasi au desespoir; lorsque'lle se recommande à cette heureuse Mere Catherine de S. Augustin, l'a veuë souvent à son ssecours, qui la remplissoit de force s'aparoissant à elle, & luy parlant du langage des Saints: mais ce qui est de plus admirable, c'est que souvent elle l'a sentie intimement presente, comme si son ame étoit penetrée de cette ame bienheureuse: & en méme temps elle se sentoit soulagée de toutes ses douleurs, de toutes ses amertumes, & de tous ses maux; non pas que les maux cessassent; mais comme si étant surchargée d'un fardeau audessus de ses forces, un homme puissant eût porté avec elle la pesanteur de cette charge: non seulement cela; mais elle se sentoit en méme temps remplie de la patience, de la douceur, de la conformité aux volontez de Dieu, & de toutes les vertus de cette ame bienheureuse: comme si elles deux conjointement eussent agy de concert, joignant & leurs coeurs & leurs forces, pour aimer Dieu en cét état de douleurs, pour le benir & pour s'abandonner à sa tres-sainte volonté. Cette ame bienheureuse lui aïant dit du langage des Saints, que toutes les fois qu'elle auroit recours à elle, elle avoit ordre de JESUS-CHRIST de luy donner une secours semblable. Monseigneur l'Evesque de Petrée ayant desiré que l'on gravât l'Image qui est au commencement de ce Livre, selon l'idée qu'il en avoit formée, y a compris en abregé les choses principales qui sont deduites en cette Vie. Ce digne Prelat dans une Lettre qu'il a écrite tout recemment des dons de Dieu sur cette vertueuse fille, la finit en ces termes: J'ay une tres particuliere confiance pour le bien de cette nouvelle Eglise, au pouvoir qu'elle a aupres de Nôtre Seigneur, & de sa tres-sainte Mere: car si elle nous a secourus si puissamment pendant le temps qu'elle a été parmy nous, que ne fera-t'elle pas maintenant, qu'elle connoît avec plus de lumiere les besoins, soit du Pasteur, soit des Oüailles ? Cette Lettre est du 8. Novembre 1670. |