CATHERINE DE SAINT-AUGUSTIN |
I-2. Jeunesse
CHAPITRE II Je commençay, dit-elle, quelque temps apres à perdre un peu ma ferveur; mes grands desirs de souffrir s'amortirent; j'avois toûjours neanmoins soin de faire la volonté de Dieu, & cela me servoit d'un bon frein pour moderer un peu mes passiosn, qui étaient pour me mettre en un mauvais état, si Dieu par une bonté &un amour extraordinaire, ne m'euût pour ainsi dire menée & portée hors de ces occasions. Ce m'est maintenant un sujet de confusion épouventable, quand je refléchis sur les graces que Dieu m'a faites, & sur mon ingratitude, & la perte que j'ay faite en abusant de toutes ses graces: car il est vray qu'il n'a tenu qu'à moy que je ne me sois santifée d'une bonne façon. J'ay eu des avantages qui en auroient santifié plusieurs, si Dieu les leur avoit donnez; & cependant où suis-je? Mais ce qui empéchoit l'effet des graces, est que j'avois une vanité insupportable, & j'y avois beaucoup de panchant; non seulement j'amois par excez la braverie, le soin de conserver mon tein, pour agréer & paroître aux yeux des hommes, mais je recherchois encore avec avidité d'étre estimée avoir bien de l'esprit, étre de belle humeur, de belle conversation: En un mot, je voulois que l'on crût que j'avois de belles qualitez, lesquelles me devoient acquerir & l'amitié & l'estime des creatures. J'ay passé & employé beaucoup du temps à railler & dire bien des paroles vaines, afin de paroître avoir l'air du monde. J'ay quelquefois par complaisance chanté diverses chansons d'amour. J'ay eu passion pour les Romans, lesquels m'ont pensé perdre. J'ay donné par une trop grande complaisance sujet d'offencer Dieu. J'ay pris palisir à étre aimée & à rechercher de l'amitié sans le vouloir faire parître, au contraire témoignant beaucopu de rigueru, afin de passer pour un espirt fort. Je resistois fortement aux inspirations que nôtre Seigneur me donnit de tenir un autre chemin. Je tâchois d'étouffer tout à force de divertissemens: à quoy je reüssissois fort mal; car plus je faisois la sourde oreille, plus je souffrois de peine, & avois peu de consentement; & si par une bonté inconcevable de Dieu, il ne m'eût tenuë par la main, je serois tombée dans une abîme de pechez, quoy que j'aye quitté le monde à douze ans & demy.
Songe mysterieux de son entrée en ReligionIl semble que Dieu ait voulu faire paroitre à cette jeune fille le mal qu'elle devoit fuïr, & le remede qu'elle devoit y apporter incontinant, afin de la preparer à le recevoir. Car à l'âge de neuf à dix ans, elle vit en dormant un grand homme horrible avec un coutelas en main, qui s'approchait d'elle pour la maltraiter; il luy sembla pour lors qu'elle s'enfuit dons une tour: ce malheureux la pousuivant, la frappa, mais non pas dangeureusement, & comme elle invoquoit la sainte Vierge à son secours, une Religieuse avec un surplis se presenta à elle en cette tour; à sa veuë elle reclama son aide & s'en vit protegée, & incontinant elle se réveilla. Ces coups non dangereux, étoient sans doute ses petits déreglements; & la protection de cette Religieuse, étoit sans doute sa vocation en Religion, veu que sans jamais avoir veu d'Hospitaliere, elle reconnut cette Religieuse au visage, lors qu'elle y entra, qui fut ensuite sa premier Superieure. Ce qui est encore confirmé par la resolution qu'elle prit pour lors d'être un jour Religieuse.
Or attendant le temps de son entrée en Religion, voicy les moyens que la divine Providence suggera à cette Âme éleuë, pour la conserver dans son innocence, par un de ses serviteurs, & qu'elle garda inviolablement. Les voicy comme elle les écrivit pour lors. 1. Je ne manqueray point tous les matins à mon lever apres avoir adoré Dieu & fait mes prieres, de prendre les pensée de l'éternité par l'espace d'un petit demy-quart d'heure, selon l'ordre que m'en a donné le Pere Malherbe Jesuite. 2. J'écriray tous les jours mes pechez à la fin de mon examen. 3. J'auray l'oeil à garder les avis que m'a donné le Pere Planterose Jesuite.
Si l'on s'étonne pourquoy elle parloit à tant de Jesuites, c'est qu'ils venoient en Mission de temps en temps au lieu où elle demeroit; les Ancêtres maternels de nôtre sainte fille ayans ce saint zele pour le salut des Ames dans le Païs du Costantin qui en avoit une extrême necessité, pour le peu d'instructions qu'il y avoit parmy les peuples dela Campagne. Le fruit qy'y firent ces Missions fut si considerable, que dix ans apres le Païs n'étoit pas connoissable, la pieté s'y étant répanduë.
Donation qu'elle fit de soy-même à la sainte Vierge, à l'âge de dix ans
En l'année 1642. le 8. de Septembre, elle fit l'acte suivant à nôtre-Dame, lequel elle signa de son propre sang, & le composa sans l'aide d'aucune personne visible; je dis visible, parce qu'il est trop bien fait pour qu'une fille de dix ans l'ait pû faire d'elle-même, sans une particuliere assistance de Dieu.
Sainte Mere de Dieu, permettez moy que je vous prenne pour ma Maîtresse & pour ma Reine, acceptez moy pour vôtre fille, & pour vôtre plus petite servante; je me donne à vous, & vouhaite que tous les momens de ma vie vous soient consacrez; je veux pour honorer vôtre conception Immaculée, vous offrir le desir que j'ay de me Conserver dans une entiere pureté toute ma vie. Aidez moy sainte Vierge à cette entreprise, éloignez de mon coeur toute impourté, faites-moy plûtôt mourir maintenant que de peremttre que mon corps & mon ame soient souüillez de la moindre tache. Je vous demande cette grace par le moyen de vôtre sainte & pure Conception, je desire honorer vôtre sainte Naissance par un desir continuel que je veux avoir, que vôtre amour s'augmente dans mon coeur, & dans le coeur de tous leshommes: pour honorer vôtre Presentation au Temple, je veux qu'à tout momeent je sois presentée à vous par mon bon Ange: en l'honneur de vôtre sainte Annonciation, je vous consacre ma liberté & et veux à jamais être vôtre esclave: je desire pour honnorer vôtre humble Purification, tenir mon Ame nette de tout peché, & fuïr les occasion de vanité. Enfin tres-sainte Vierge, dans le desir d'honorer vôtre mort d'amour, & vôtre trimphante Assomption, je veux tous les jours de ma vie mourri à moy-même, à mes desirs & inclinations, & avoir une continuelle memoire de vos saintes vertus, pour les imiter autant que je pourray. Je veux remercier tous les jours la tres-sainte & adorable Trinité, de toutes les graces dont elle vous a comblée: le Pere, de vous avoir choisi pour sa fille; le Fils, pour sa mere; le saint Esprit pour son épouse; par ces glorieux titres, je vous conjure d'abaisser vers moy vôtre maternelle bonté, & d'aggréer que je me dise absolument vôtre. Jel e proteste à la face du Ciel & de la terre, & je donnerois volontiers mon sang pour sceler cette verité. Permettez, ma tres-sainte Dame & Reine, qu'en foy de ce que je viens d'écrire, je le signe Cahterine Simon vôtre esclave, seruante & fille, quoy qu'indigne.
Ce même jour elle se mit de la Confrairie du Rosaire, & de celle de la Redemption des Captifs.
En 1643, le jour de la saint Joseph elle se mit de l'Association de la sainte famille de Jesus, pour obtenir la grace de bien mourir.
Le jour de l'Annonciation de la sainte Vierge, la méme année, elle prit le petit Habit de nôtre-Dame, & fut guerie ce mêm jour-là d'une fiévre qui la tourmentoit depuis trois ans, & cela tout subitement, ayant fait pour ce méme sujet quelques devotions à la sainte Vierge.
Elle est preservée des Sorciers
Le jour et Fête de saint Augustin, la méme année 16443, quelques Sorciers qui avoient la peste, dont quelques-uns qui en moururent six ou sept heures apres, luy avoient parlé, étant venus chez sa grand'Mere, à dessein de la donner à quelques-uns de la masion, en vengeance de la persecution que leur avoit fait son grand Pere; elle leur fut porter l'aumône; & en méme temps ces malheureux l'ayant approcher, l'un d'eux luy souffla sur la visage; ce que cette petite ayant apperceu, craingant que ce ne fussent quelques Sorciers, en ayant déja entendu parler; elle se recommanda fortement à saint Augustin, auquel méme elle avoit quelque devotion; & ainsi elle fut preservée. Ce que je viens de dire fut averé par un de la troupe en mourant. |