CATHERINE DE SAINT-AUGUSTIN |
I-3. Noviciat
CHAPITRE III Un Predicateur Missionnaire qui conduisoit pour lors une vertueuse fille, nomme Marie des Vallées de Coutance, ly dit vers ce temps-là, qu'infailliblement elle seroit Religieuse; & ce fut sans doute par l'entremise de cette bonne Ame, à laquelle on l'avoit recommandée. Il n'y avoit neanmoins guere d'apparence qu'elle le deût être; en effet son sentiment étoit que si cela arrivoit, il y auroit bien du monde trompé, quoy qu'elle s'y sentît portée.
Le S. Esprit la voulant disposer à être Religieuse, ly fit faire les trois voeux suivants.
SES COMBATS LORS QU'ELLE DÉLIBERA D'ÉTRE RELIGIEUSEVoicy ce qu'elle dit de son entrée en ReligionA douze ans & demy, ou environ, j'eus une rude secousse; Dieu m'attiroit à luy pour la Religion d'un côté, & le monde de l'autre me tenoit fort attachée à luy. Je jugeois qu'avec la grace de nôtre Seigneur, j'y ferois mon salut; des personnes spirituelles & religieuses me confirmoient dans ma pensée, & vouloient porter mes parens à ne me pas mettre en Religion; j'avois beaucopu plus de panchant pour lemonde, & il n'y et que cette pensée qui me poursuivoit malgré moy, & je sentois ce reproche en mon coeur; quoy si je fais mieux & plus parfaitement la volonté de Dieu en Religion, y a-t'il à hesiter d'y entrer? Ensuite je me faisois cette objection, que j'étois encore trop jeune & trop petite pour déliberer de cela; & qu'il falloit attendre: mais ce reproche continuant, me disoit, tu es donc trop jeune pour étre à Dieu? & tu es assez prête à déliberer pour étre au monde? cela me causoit une peine extréme; neanmoins le premier jour, qui étoit un Samdy en l'année 1644, apres avoir communié, je me resolus d'entrer en Religion, puisque la volonté de Dieu demandoit cela de moy; & comme je craignois d'en sortir, je ne voulois pas dire que mon dessein fût d'étre Religieuse, mais seulement d'essayer & voir un peu comme les Religieuses font. Ce fut au 7. Octobre de la méme année, que j'entray au Monsatere des Religieuses de Bayeux, avec une de mes soeurs qui étoit mon ainée: mais comme j'avois dit aux Religieuses mémes, que je ne venois pas pour demeurer chez elles, cela me valut de bonnes mortification; car on m'éprouva au double, crainte que ma vocation ne fût fondée sur des respects humains. Quelque chose que l'on me dit & fist, je demeuray ferme dans la pensée qu'asseurément je serois Religieuse, & je disois à la Mere des Novices faites moy tout ce que vous voudrez, vous ne m'ôterez point l'Habit, & je ne sortiray point d'icy, sinon pour aller en Canada. La sainte Vierge m'avoit donné cette esperance si ferme, que rien n'étoit capabale de me la faire perdre, ou d'en avoir la moindre défiance.
Ses premieres épreuves
La Maison des Religieuses Hospitalieres de Bayeux n'avoit commencé que cette méme année 1644, au mois de May, par la fondation qu'en avoit faite une parente maternelle de nôtre petite Catherine, la Mere Marie de saint Augusin, fille aînée d'un Gentilhomme de pieté, Monsieur de la Hanodiere; laquelle ayant fait son Novitiat au Monastere de Dieppe, en amena deux Religieuses pour faire cette fondation, dont cette heureuse Fondatrice fut la premiere Professe, y ayant donné tout son bien, & y ayant fait sa profession le 14 May, veille de la Penteôte. Notre Catherine & sa soeur aînée étans venuës dans les commencement de cette maison, furent employées par la necessité des affaires, nonobstant leur peu d'âge, comme si elles en avoient eu davantage: en sorte que les pauvres ayans été receus dans l'Hôpital fort peu de jours apres leur entrée, elles servoient les maldes de jour & de nuit, comme les autres, avec une ferveur qui surpassoit leur âge et leurs forces; principalement nôtre peite Catherine. Et comme elle étoit d'un naturel agisssant, adroit & industrieux, chacune desiroit de l'avoir pour Compagne dans les offices & et les emplois de la maison; son coeur étoit grand & genereux, & ne trouvoit rien de difficile ny audessus de ses forces, en quoy elle emplooit encore son industrie. Elle avoit une voix assez belle & forte, & elle eut bien-tôt appris le plein chant, ce qui étoit un puissant soûtien pour le Choeur. On la mettait au tour, à la Sacristie, à la cuisine, au refectoir, à l'Hôpital, & elle s'aquitoit tres-bien de tous ces soins, & avec une maturité qui alloit au delà de son âge, & toujours dans une gayeté qui marquoit la paix de son ame. Dés cette âge là elle communioit aussi souvent que les Professes. On remarquoit qu'elle en profitoit beaucoup & elle la desiroit avec une grande ardeur. Elle se faisoit fort aimer des pauvres, ausquels elle rendoit service avec tant de promptitude & de charité, qu'ils ne se croyoient jamais mieux servis que lors qu'ils avoient la petite Soeur Catherine. Les Seculiers étoient si parfaitement édifiez d'elle, que plusieurs s'assembloient au tour du lit des malades qu'elle servoit, pour la voir; & admiroient sa douceur, sa modestie & son adresse; & lors qu'elle rendoit quelque autre servcie parmy la salle, ils la suivoient de veuë; & dautant qu'elle étoit fort fidele à ne leur parler qu'autant que la regle le permet, ils la demandoient au parloir, sans la connoître autrement, pour avoir le moyen de l'entretenir, étans édifiez de ses paroles & de tout ce qu'elle faisoit. L'unique, ou du moins le plus grand deffaut qu'on remarquoit en elle, c'est que quand elle croyoit que quelque Soeur avoit besoin d'aide, ou que quelque Officiere s'oublioit, ou manquoit à quelque chose de son devoir, aussi-tôt elle se mettoit en état de la secourrir, & d'y suppléer avec une charité officieuse et bienfaisante à tout le monde: De là on prenoit sujet de la reprendre & mortifier, comme d'une infraction de la Regle, qui ne permet point de se méler de l'office d'autruy, sans obeïssance; Comme elle agissoit dans ces occasions par motif de charité, elle étoit surprise de ce que l'on l'en reprenoit comme d'une faute, & de ce que on luy en donnoit penitence: mais comme d'ailleurs on trouvoit peu à corriger en elle, on n'en laissoit pas perdre l'ccasion, afin de l'éprouver. Un jour, qu'elle s'étoit mélée de sonner l'examen & le refectoir sans ordre, en l'absence de celle qui en avoit le soin; sa Maîtresse luy en fit dire sa coulpe au refectoir, avec assez d'exageration; on luy donna pour penitence de se mettre à la place de la Superieure; dont elle vouloit déja anticiper les fonctions. La pauvre petite en fut extraordinairement humiliée; & au lieu de s'en aller à la recreation, sortant de table, elle alla se cacher; Comme on s'apperçeut aussi-tôt qu'elle étoit absente, on l'alla chercher, & on la trouva toute baignée de larmes. Elle a avoué du depuis que dans cette occasion elle avoit été tentée de sa vocation; mais cela ne dura pas long-temps. Et parce qu'elle en témoigna quelque chose, cela fit qu'on l'éprouva davantage. |