CATHERINE DE SAINT-AUGUSTIN |
I-11. Sa conduite dans les emplois de l'obéissance
CHAPITRE XI On peut dire en vérité qu'étant propre à tout faire excellemment, ayant toutes les qualitez & de corps & d'esprit, & de vertu pour y bien reussir, elle s'est parfaitement bien acquitée de toutes les observances de la Religion n'y en ayant aucune où elle n'ait été appliquée. Etant Maitresse des Novices, elle sçavoit si bien gagner à foy les filles qui luy étoient confiées, pour les ganger à Dieu, qu'elles repandoient leur coeur dans le sien, / elle versoit dans leurs ames l'amour de la regularité, l'amour de le Religion, avec l'amour de JESUS-CHRIST & de la saint Vierge. Lors qu'elle étoit Depositaire, elle sçavoit joindre si adroitement l'esprit interieur avec les soins des choses temporelles, que tout étoit animé de cêt esprit; ses paroles, ses actions, ses entretiens avec les l'exterieur Seculiers & tous les ordres qu'elle donnoit aux gens de travail; en la même façon que nôtre ame vivifie les parties de nôtre corps qu'elle anime; ainsi l'exterieur ne la dissipoit pas, & elle imprimoit aux Seculiers qui avoient à traitter avec elle, l'esprit de Dieu, sans qu'elle prît d'eux l'air & l'esprit du monde. Etant Hospitaliere, son regard, sa parole & ses mains secouroient les pauvres malades qui étoient consolez jusqu'au fond de l'ame, lors que rendant au corps toutes les charitez possibles, l'esprit s'en ressentoit, dont elle avoit encore le plus grand soin. Elle les gagnoit si doucement & efficacement à Dieu, que plusieurs ont avoüé luy étre redevable de leur salut. L'édification generale qu'un chacun en a receu, est un témoignage public que personne ne peut démentir. Dans la maison elle étoit la premiere au travail, & des plus ferventes à se mortifier en tout ce qui regaroit sa personne, choisissant toûjours pour soy les choses les plus incommodes, supportant tout des autres, excusant tout, sans jamais s'excuser soy-méme; mais plûtôt desirant que ses defuats sussent connus à tout le monde. Bon Dieu! disoit-elle souvent, puisque nous ne sommes que ce que nosu sommes devant Dieu, pourquoy cherchons nous à paroître autres aux yeux des hommes? Son coeur obligeant la rendoit le refuge de toutes les personnes qui avoient besoin de secours & de consolation; elle n'en renvoyoit aucune sans une parfaite satisfaction; & bien que l'esprit de la croix / de la penitence l'acompagnassent en toutes les occasions, ce n'étoit toutefois que pour elle-méme; elle n'étoit à charge qu'à son amour propre, avec lequel elle étoit dans un continuel divorce. Toutes ses complaisances étoient appliquées pour le prochain, s'ajustant d'une façon merveilleuse aux differentes humeurs de chacun, se faisant tout à tous, afin de gagner tout le monde à son divin Epoux. C'est le témoignae que rend d'elle la Reverande Mere de saint Bonaventure de JESUS sa Superieure, dans la Lettre circulaire qu'elle en écrivit apres sa mort : Voici come elle continuë d'en parler. Mais ce qui est de bien remarquable, c'est que son humilité a été si adroite à se cacher, méme à nos yeux, que nous n'avons rien sçeu qu'apres sa mort, de tout ce qui étoit des graces extraordinaires de Dieu sur elle; quoy que ses solides vertus qui font la veritable sainteté, nous la fissent connoître pour une Religieuse accomplie, pleine de Dieu, & qui luy gagnoit les coeurs de ceux qu'elle voyait. En effet, ceux qui ont eu soin de la conduite interieure de cette fille vayement genereuse, ont toûjours remarqué en elle un si bas sentiment de soy-méme, & un tel éloignement de toute élevation, que non seulement elle s'accusoit de ses fautes avec un humilité admirable, penetrant jusqu'aux derniers replis de son coeur, & ne s'épargnant pas; mais elle étoit bien-aise qu'n la jugeât criminelle, qu l'on crût d'elle ce qu'elle en croyoit elle-méme, qu'elle étoit toute abîmée dans le péché. Elle étoit tres-prudente & d'excellent conseil, tres-clairvoyante, & qui touchoit incontinent le fond des affaires les plus importantes: Toutefois elle ne s'appuyoit jamais sur soy-méme en sa propre conduite; & en toutes choses elle avoit un jugement aussi soûmis, que si elle eût été la personne du monde la moins éclairée. Quoy qu'elle eût de grandes connoissances & de grandes lumieres, par les voyes exraordinaires de revelations & apparitions frequentes des Saints du Paradis, & et JESUS-CHRIST méme; toutesfois jamais elle ne s'est conduite par ces voyes-là; les maximes de l'Evangile, la raison & le mouvement de l'obeïssance, ont été tout son appuy & l'unique voye qu'elle a toûjours suivie, & sur laquelle se sont appuyez ceux qui ont eu le soin de sa conduite. |