CATHERINE DE SAINT-AUGUSTIN |
II-13. Le saint Esprit se décharge commune une nuée
CHAPITRE XIII Peu de jours auparavant elle avoit veu le saint Esprit, qui se déchargoit comme une nuée sur quantité de personnes qu'elle voyoit en esprit, & qui recevoient bien differemment cette grace. Entendons la parler. Le 12. Juin 1664. veille de la Pentecôte, comme on commençoit Vépres, je vis le saint Esprit sous la forme d'une grosse nuée, qui ne demandoit qu'à se décharger de toutes parts; Je vis sous cette nuée un grand nombre de personnes, sur lesquelles le saint Esprit s'écouloit, mais bien diversement. Cette rosée penetroit les premiers avec une grande facilité & suavité: Elle s'écouloit des seconds, & tomboit à terre; & des troisiémes, non seulement elle se perdoit pour eux; mais lorsqu'elle rejaillissoit loin, quelquesfois plus, quelquesfois moins. Je distinguay sous cette nuée, la plus-part des Peres & Freres de la Compagnie de JESUS qui demeurent icy, & quelques-uns qui sont en France: Je vis aussi des Prétres seculiers, & des Religieuses, & quelques Laïques hommes & femmes. Entre les Prétres seculiers & les Religieuses, je n'en vis aucun qui fist rejaillir cette divine rosée; mais bien quelquesfois qui la laissoient écouler, qui plus, qui moins: J'en remarquay quelques-uns qui en étoient bien plus penentrez que les autres; & d'aucuns qui la recevoient avec bien plus de suavité. D'autres en avoient, ce me sembloit autant, mais cela ne leur étoit plus sensible. Quoy que je conceusse que la plus-part des personnes fussent disposées à recevoir le saint Esprit, toutefois je concevois que le méme saint Esprit auroit souhaité de se communiquer plus abondamment. Cette veuë me donnoit un tres-grand desir que ces personnes que je voyois, élargissant davantage leurs coeurs, & ne fussent pas privées des dons qu'on leur vouloit faire. Le jour de la Pentecôte j'eus la méme veuë de cette nuée, & des mémes personnes. En ce méme-temps je voyois le Pere de Brebeuf sous cette nuée, lequel étoit tout penetré du saint Esprit. Je le voyois avec une colombe; comme autrefois, & il étoit disposé d'une certaine maniere, que son ombre rejaillissoit sur moy, ce qui me donnoit part de son abondance. L'Octave, je l'eus toûjours present en la méme maniere: & quoy que les démons pendant ce temps n'ayent pas cessé leurs diverses operations, cela toutefois ne m'a pas empéché de joüir d'une profonde paix, qui a duré presque de le méme façon jusqu'au 29. du mois, que cette douceur & cette se sont changées en ennuy & accablement tuant. Il me semble pourtant que je le reçois avec acquiescement, & je n'admets aucun desir de changer de disposition. La méme année le 27. Septembre, lorsque l'on commençoit la Messe, le Pere de Brebeuf me fit, dit-elle, souvenir que ce jour étoit celuy de la confirmation de la Compagnie de JESUS; & il me dit qu'il vouloit que j'offrisse la Messe & ma Communion, pour remercier Dieu de ce qu¡il avoit donné à son Eglise une Compagnie si sainte: Que je priasse pour tous ceux qui y sont, & en particulier pour un tel. Durant la Messe je me sentis comme environnée de toutes part, de quantité de Jesuites qui joüissent de la gloire. Je me sentois fortifiée & encouragée à souffrir, quoy que mes peines s'augmentassent plûtôt que de diminuer. Le Pere de Brebeuf me dit qu'il faloit se resoudre à étre longtemps de cette sorte. Je m'y abandonnay, & le priay de le faire pour moy. Notez qu'ayant un jour jetté les yeux sur un jeune Jesuite, qui n'étoit pas encore Prétre, elle connut son interieur, & dit à qui elle le devoit; que ce jeune Religieux n'étoit point enfant de saint Ignace. En effet, il fut renvoyé de la Compagnie, n'y étant pas propre. |