Bienheureuse Marie-Catherine de Saint-Augustin
Née Catherine Simon de Longpré

CATHERINE DE SAINT-AUGUSTIN

II-10. La sainte Vierge la donne pour épouse au saint Esprit

CHAPITRE X
La sainte Vierge la donne pour Epouse au saint Esprit.

Le premier Juin Fête de la Pentecôte 1664. il me sembla, dit-elle, que la sainte Vierge me donnoit pour Epouse au saint Esprit, d'une façon toute speciale; & que le saint Esprit me considerant en cette qualité, prenoit une possession entiere de moy: De sorte qu'il me sembloit que j'étois entierement unie à luy, & que luy étoit tout à moy. Je me persuaday que la sainte Vierge, les Anges & le Pere de Brebeuf, prenoient un plaisir singulier de me voir ainsi unie au saint Esprit. Cette veuë me remplit d'une certaine plenitude que je ne puis exprimer. Je me persuadois que tous les dons du saint Esprit ne cesseroient d'étre toûjours avec moy, puis que l'Auteur de ces dons y residoit; & je me promettois que jamais il ne s'en separeroit, quoy qu'il arrivât; l'enfer méme se deût-il bander contre moy. J'éprouvay le contraire le méme jour, quoy que pourtant de temps en temps, & comme malgré moy, je sentisse une certaine reïteration du saint Esprit en moy.

C'est ainsi que la sainte Vierge donna sainte Catherine de Sienne pour Epouse à IESVS-CHRIST, & que saint Laurent Iustinien fût donné pour Epous à la Sagesse éternelle.

Peu de jours auparavant, faisant ses exercices & sa retraite spirituelle sur la personne du saint Esprit: Voicy ce qu'elle en dit.

Commençant mon Oraison; le Pere de Brebeuf me fit dire trois fois le Verset Hostem repellas longiùs. Apres quoy l'operation des démons perdit sa force, quoy qu'ils demeurassent toûjours avec moy. Je m'adressay avec confiance au saint Esprit, & le priay avec instance qu'il me fist connoître en quoy je ne luy étois pas agreable: Dans ce moment, sentant d'une façon speciale la presence de cét Esprit adorable, j'eus les yeux de l'entendement dessillez, & je vis en méme temps deux choses bien opposées, qui me causerent ensemble des sentimens bien differens. D'une part je voyois comme dans un miroir, la beauté de la grace, & de la protection du saint Esprit, & l'obligation infinie que ly ont les Ames: Je vis clairement diverses occasions, circonstances & temps ausquels cette grace & protection m'avoit soûtenuë, gardée, preservée, & comme portée dans son sein. Je concevois de cela des choses que je ne puis dire ny expliquer; sur-tout touchant l'obligation dont j'étois redevable à ce saint & divin Protecteur & Défenseur. D'autre côté je découvrois tout à clair l'horrible ingratitude avec laquelle j'avois payé tous ces bienfaits, & cét adorable Esprit me faisoit le reproche, lequel m'étoit autant sensible que je découvrois en méme-temps son amour; car l'opposition du peché avec la grace est une chose si épouvantable, que je croy que sans miracle on ne sçauroit supporter cette veuë sans mourir; & je pense qu'à moins que la toute-puissance de Dieu ne fortifiât une ame, qui auroit la veuë de ses pechez tels qu'ils sont, on tomberoit dans le desespoir, tant le peché est horrible. Helas! que l'on conçoit peu ce que c'est que le peché: Je n'ay eu qu'un moment de veuë de mes seules ingratitudes envers le saint Esprit; & en vérité je ne pense pas que j'eusse pû supporter cette veuë sans mourir d'horreur, si je n'eusse été soùtenuë d'en haut ? Qu'auroit-ce donc été si j'avios veu le nombre & la qualité épouventable de tous mes pechez? Que sera-ce au jugement particulier ? Depuis ce temps-là j'ay été plongée comme dans l'amertume; & la crainte & le regret se sont si fort emparez de mon coeur, que je ne puis me souffrir moy-méme. Cela neanmoins sans inquietude.

Tout ce jour là se passa dans cette disposition. Il est vray que de temps en temps j'ay resenty particulierement la presence du saint Esprit, lequel sembloit méme vouloir appaiser ma douleur; mais je le suppliay de m'y laisser, puis qu'aussi bien toute ma vie ne seroit pas assez longue pour regretter l'énormité des mes ingratitudes. Les démons m'ont voulu persuader que j'attribuois au saint Esprit ce qui n'étoit pas; & que je ne devois pas me mettre si en peine pour des vaines imaginations. Quoy qu'il en soit, je ne puis l'attribuer à autre; & j'espere que le souvenir ne m'en sera pas inutile, ce fut le 13. May.